Page:Victor Baudot - Au Pays des Peaux-Rouges.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
29
LE VOYAGE

Dès le point du jour, j’avais de ma couchette jeté un regard à travers la fenêtre pour voir où nous étions  ; la première chose que j’aperçus fut le nom de la petite station que nous traversions en ce moment, «  Drumond  ». Cet endroit désert, au cœur des Montagnes Rocheuses, est éminemment favorable aux dévaliseurs de trains. Voyez ici avec quelle sollicitude la Providence veillait sur nous. Le train qui nous précédait avait déraillé près de Billings, le train qui nous suivait fut attaqué et dévalisé par des bandits masqués, précisément à Drumond, et nous passâmes indemnes entre ces deux aventures, qu’il eût peut-être été agréable de conter au coin du feu, mais auxquelles il me fut infiniment plus agréable d’échapper. Pendant cette nuit qui finissait, après avoir franchi en dormant la ligne de faîte des Montagnes Rocheuses, nous étions passés, sans nous en douter, du bassin de l’Atlantique dans le bassin du Pacifique. Les rivières coulaient toutes maintenant vers l’Ouest, à travers de magnifiques montagnes couronnées de forêts de cèdres et de pins. J’aurai plus tard l’occasion de décrire cette région splendide.

J’avais résolu d’interrompre notre voyage à Missoula pour y dire la messe. Missoula est une petite ville de 8 à 10.000 âmes, où notre mission des Montagnes Rocheuses a une belle paroisse et un important pensionnat de jeunes filles, tenu par des religieuses canadiennes. Nous débarquâmes donc, et au sortir de la gare nous nous dirigeâmes vers l’église catholique, facilement reconnaissable comme toutes les églises catholiques d’Amérique à la croix qui surmonte son clocher. Pour la première fois je voyais une de ces villes neuves de l’Ouest, aux longues rues non pavées, bordées de trottoirs en bois et de maisons basses qui ressemblent aux tentes d’un campement