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LES ORIGINES DE LA NOUVELLE ACADÉMIE.

c’est pour lui être désagréable. Telle est aussi la signification du vers d’Ariston[1] : « Platon par devant, Pyrrhon par derrière, Diodore pour le reste. » Nous ne pouvons guère comprendre autrement que comme une critique déguisée exprimant la même pensée que le vers d’Ariston, deux passages assez obscurs de Timon[2] : « Portant sous sa poitrine le plomb de Ménédème, il (Arcésilas) courra vers Pyrrhon aux fortes chairs ou vers Diodore. » Nous savons[3] enfin qu’Épicure lui reprochait souvent de ne faire que répéter ce que d’autres avaient dit.

Il n’est pas douteux qu’Arcésilas lui-même ait répudié cette parenté avec le pyrrhonisme. Nous en avons pour preuve décisive ce fait que Cicéron, si bien instruit de toutes les traditions de la nouvelle Académie, ne fait nulle part allusion à une telle filiation. C’est expressément à Arcésilas qu’il attribue l’invention de l’ἐποχή[4]. C’est à l’école platonicienne que constamment il la rattache. D’autres témoignages viennent corroborer cette assertion : Arcésilas est avant tout disciple de Polémon et de Crantor et il se flatte toujours de continuer la tradition académique[5]

Non seulement on nous donne Arcésilas, et on nous dit qu’il se donnait lui-même pour un académicien, mais on nous dit pourquoi il prétendait continuer Socrate et Platon. C’est d’abord parce qu’il avait conservé ou plutôt repris l’habitude, fort répandue dans l’école de Platon et même dans celle d’Aristote[6] de discuter alternativement le pour et le contre de chaque question[7] ; c’est aussi parce que Platon aimait à se servir de formules dubitatives[8]. Nous n’avons aucune raison de

  1. Euseb., loc. cit., V, 13 ; Sext., P., I, 234 ; Diog., IV, 33.
  2. Diog., ibid.
  3. Plut., Adv. Col., 26.
  4. Ac., II, xxiv, 77. Diogène, qui n’en est pas à compter ses contradictions, dit à peu près la même chose (IV, 28) : Πρῶτος ἐπισχὼν τὰς ἀποφάσεις διὰ τὰς ἐναντιότητας τῶν λογῶν.
  5. Plut., Adv. Col., 26.
  6. Cic. Fin., V, iv, 10.
  7. Cic. Fin., II, I, 2.
  8. Cic., De orat., III, xviii, 67 ; De nat. deor., I, V, 11.