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ARCÉSILAS.

trouvaille, celui-ci dit en riant : « Voilà un tour d’Arcésilas. » On raconte aussi que son maître de mathématiques, Hipponicus, étant devenu fou, il le prit chez lui et le soigna jusqu’à complète guérison.

Arcésilas avait une grande droiture de caractère. Bien qu’il fût en guerre ouverte avec les stoïciens, il interdit l’entrée de son école à un certain Battus qui s’était moqué de Cléanthe dans une comédie, et il ne se réconcilia avec lui que quand il eut donné satisfaction à Cléanthe[1]. Ses sentiments n’avaient rien de mesquin et d’exclusif ; bien qu’il fût très friand de popularité, il engageait ses propres élèves à suivre les leçons des autres philosophes ; lui-même en conduisit un auprès du péripatéticien Hiéronyme[2]. Il paraît avoir exercé une grande influence sur les jeunes gens qui se pressaient autour de lui, bien qu’il ne leur ménageât pas les réprimandes et eût souvent pour eux des mots durs[3].

Tous les témoignages s’accordent à rendre hommage au merveilleux talent d’Arcésilas. Familier dès l’enfance avec Homère et Pindare, il fut poète à ses heures, et composa quelques épigrammes. Cicéron[4] nous parle de la grâce exquise de ses discours, et c’est l’orateur autant que le philosophe qu’il admire en lui. Plusieurs mots qu’on cite de lui attestent la finesse et la promptitude de son esprit. Il fut d’ailleurs servi à souhait par les circonstances, et les adversaires qu’il eut à combattre étaient les plus propres à faire ressortir, par le contraste, les brillantes qualités dont il était doué. C’est contre les stoïciens qu’il ne cessa de lutter, et il semble s’être donné pour tâche de harceler sans cesse Zénon de Citium, son ancien compagnon aux leçons de Polémon. Lourds et embarrassés dans leurs formules sèches et arides, inhabiles, malgré leur subtilité, aux finesses de la dialectique, gênés par leur gravité et leur sérieux, par

  1. Plut., De adul. et amic., XI, 55.
  2. Diog., IV, 42.
  3. Ibid., 36.
  4. Ac., II, VI, 16 ; De Orat., III, XVIII, 67.