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ARCÉSILAS.

Or, Cicéron, s’il fait allusion à une sorte de dogmatisme mystérieux, ne parle pas en tous cas d’un dogmatisme platonicien. Et si la nouvelle Académie avait eu un enseignement secret de quelque importance, comment croire que Cicéron ne l'eût pas connu ? Et s’il l’a connu, comment supposer qu’il n’y ait fait qu’une obscure allusion ? Comment comprendre surtout qu’il ne nous parle jamais d’Arcésilas que comme d’un sceptique ? Bien plus, Platon lui-même ne lui apparaît jamais que comme un sceptique ; il ne voit en lui que l’homme qui discutait toutes les opinions, sans se prononcer sur aucune[1]). D’après lui, c’est le jugement que formulaient sur Platon tous les philosophes de la nouvelle Académie ; s’ils déclarent qu’il n’y a qu’une seule Académie, que la nouvelle se confond avec l’ancienne, c’est qu’ils prêtent à l’ancienne le doute que professe la nouvelle[2].

Reste le témoignage de Sextus. Mais Sextus ne le donne que sous forme dubitative ; lui-même n’y croit pas, et il est bien plutôt disposé à ranger Arcésilas parmi les purs pyrrhoniens. Le vers d’Ariston souvent cité, Platon par devant, Pyrrhon par derrière, Diodore au milieu, indique peut-être que pour ces anciens témoins, le platonisme n’est chez Arcésilas qu’à la surface : c’est une apparence ; la réalité, c’est le pyrrhonisme. Et enfin, nous savons que Timon a fait l’éloge d’Arcésilas après sa mort. L’intraitable sillographe lui aurait-il pardonné des arrière-pensées platoniciennes et des réticences dogmatiques ?.

Il reste vrai cependant que Cicéron et Sextus parlent sinon d’un dogmatisme platonicien, au moins d’une sorte de dogmatisme. D’où vient cela ? Il ne faut pas oublier que les nouveaux académiciens sont, non de purs sceptiques, mais des probabilistes ; en d’autres termes, ils se réservent le droit d’avoir des opinions. Ces opinions, ils s’interdisent de les professer en public, parce qu’ils ne veulent pas donner prise sur eux à leurs adversaires, parce qu’ils veulent garder toujours l’offensive ; c’est

  1. Ac., I, xii, 66. Cf. De Orat., III, xviii, 67.
  2. Ac., I, xii, 46.