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LIVRE II. — CHAPITRE II.

une attitude de combat qu’ils ont choisie. Mais en particulier, avec des disciples d’élite, ils pouvaient discourir à leur aise, et après avoir montré le pour et le contre, laisser voir leurs préférences. Encore paraissent-ils avoir évité d’exercer une influence efficace sur les croyances de leurs adeptes. Ils se bornaient à proposer des opinions, sans les imposer ; ils voulaient, dit Cicéron dans le passage même que nous avons rappelé tout à l’heure, que la raison seule, et non l’autorité, les décidât : ut ratione potius quam auctoritate ducantur. On peut comprendre à présent, comment a pris naissance la tradition, ou la légende, dont saint Augustin s’est fait l’écho ; on voit sur quelle confusion elle repose[1]. Comme les nouveaux académiciens, toujours sur la réserve en public, ont un enseignement particulier plus positif, la malice des adversaires ou l’ignorance de quelques historiens leur prête des dogmes. Comme ils se disent disciples de Platon et se réclament de son autorité, on leur attribue des dogmes platoniciens. On ne prend pas garde, ou on ne veut pas voir, qu’entre leur enseignement ésotérique et leur culte pour Platon il n’y a aucune connexité. Ce n’est pas comme platoniciens qu’ils ont des dogmes, puisque suivant eux Platon lui-même n’en a pas. Et au vrai, ils n’ont même pas de dogmes, mais seulement des opinions vraisemblables.

Encore faut-il ajouter que tout cela est vrai bien plutôt des successeurs d’Arcésilas que d’Arcésilas lui-même. Il paraît en effet, on l’a vu, avoir été surtout sceptique, et en fin de compte plus près de Pyrrhon que de Carnéade lui-même. Sextus[2] dit en propres termes qu’il est presque complètement d’accord avec les pyrrhoniens. Mnaséas, Philomélos, Timon, au témoignage de Numénius[3], le regardaient comme un sceptique. Rappelons enfin que selon Cicéron[4], c’est Arcésilas, qui a le premier recommandé la suspension du jugement, et le même Cicéron[5]

  1. C’est l’explication à laquelle s’arrête Hirzel (op. cit., III, p. 222 et seq.)
  2. P., I, 232.
  3. Ap. Euseb., loc. cit., XIV, VI, 5.
  4. Ac., II, xxiv, 77, Cf. Diog., IV, 98.
  5. Ac., II, xviii, 59.