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LIVRE II. — CHAPITRE VI.

Après avoir combattu et exclu toutes les autres solutions, il se prononçait pour celle des stoïciens. Le souverain bien est de vivre conformément à la nature : la nature propre de l’homme est la raison ; l’homme doit donc se conformer à la raison. La vertu est pour lui le souverain bien[1]. Jusqu’ici le Portique et l’Académie sont d’accord. Voici où ils se séparent. Dans l’homme, les stoïciens ne voient que la raison ; Antiochus tient compte de la sensibilité et du corps[2]. Sans doute, étant de nature inférieure, le corps doit être subordonné à l’esprit[3] ; mais le souverain bien implique le plein épanouissement du corps et de l’esprit, la possession des biens corporels autant que des biens spirituels. Le bonheur, par suite, implique aussi cette double condition. La vertu suffit au bonheur[4] : les stoïciens l’ont dit, et ils ont raison. Aristote, ou du moins Théophraste et son école sont à tort portés à exagérer l’importance des biens extérieurs[5]. Mais si la vie peut être heureuse grâce à la seule vertu, elle ne l’est parfaitement qu’à la condition que les biens extérieurs se joignent à la vertu : c’est ce que les stoïciens ont trop méconnu[6]. Antiochus, on le voit, rapproche et réunit, plutôt qu’il ne concilie, les vues divergentes des deux écoles : certainement elles ne sont pas aussi parfaitement d’accord entre elles qu’il lui plaît de l’affirmer, et Cicéron a raison de lui dire qu’entre l’une et l’autre il faut choisir[7]. Antiochus s’éloignait encore du stoïcisme en refusant d’admettre l’égalité de tous les péchés[8] et l’impassibilité absolue du sage[9].

La physique d’Antiochus admet deux principes, la force et

  1. Cic. Fin., V, ix, 26. Pison expose la doctrine d’Antiochus, Fin., V, iii, 8.
  2. Ac., I, v, 19. Cf. Fin., V, xiii, 37 ; xiv, 40 ; xvii, 47.
  3. Cic. Fin., V, xii, 34.
  4. Cic., Ac., I, vi, 22 : « In una virtute esse positam beatam vitam, nec tamen beatissimam, nisi adjungerentur et corporis, et cetera, quæ supra dicta sunt, ad virtutis usum idonea. » Cf. Cic., Ac., II, xliii, 134. Fin., V, xxiv, 71 ; xxvii, 81.
  5. Cic. Fin., V, v, 12. Ac., I, x, 35.
  6. Cic. Fin., V, xxiv, 72.
  7. Ac., II, xliii, 132.
  8. Cic., Ac., II, xliii, 133.
  9. Cic., Ac., II, xliv, 133.