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L’ÉCOLE SCEPTIQUE.

clide d’Érythrée, hérophiléens tous deux, et si l’un d’eux a été le maître d’Ænésidème, c’est le contemporain de Strabon.

Cette qualité d’hérophiléen n’est pas un obstacle, comme le dit Zeller. Si la plupart des sceptiques sont empiriques, ils ne le sont pas tous, témoin Sextus Empiricus[1], qui fut peut-être méthodique, et Hérodote. Sprengel[2] remarque d’ailleurs que beaucoup d’hérophiléens avaient adopté les principes empiriques[3].

Si on pouvait établir avec certitude que le maître d’Ænésidème a été Héraclide d’Érythrée, contemporain de Strabon, un argument décisif serait acquis pour résoudre le problème si difficile de la date d’Ænésidème. Mais, on vient de le voir, la certitude fait entièrement défaut. Rien ne prouve que le maître d’Ænésidème ait été un médecin, et il n’y a peut-être ici qu’une homonymie fortuite. Le nom d’Héraclide était fort commun chez les Grecs. Pauly[4] en cite jusqu’à neuf qui ont obtenu quelque célébrité. L’unique raison qui provoque ces rapprochements, c’est que beaucoup de sceptiques ont été en même temps médecins : mais ce n’est qu’à partir de Ménodote qu’on est en droit de considérer le mariage entre le scepticisme et l’empirisme comme consommé. Dans l’énumération qu’il nous a laissée, Diogène, en nommant Ménodote, ajoute qu’il était empirique : que signifierait cette mention, si ses prédécesseurs l’avaient été aussi ? Il est plus plausible d’admettre qu’il fut le premier. C’est peut-être une illusion historique de transporter aux premiers ce qui ne nous est affirmé que des derniers. Ænésidème ne nous est présenté nulle part comme un médecin : pourquoi son

  1. Voy. ci-dessous, p. 236, 1.
  2. Op. cit., p. 599.
  3. Il est vrai que cette remarque ne paraît guère pouvoir s’appliquer à Héraclide d’Érythrée. (Galien, Ars med., vol. I, p. 305.) Ajoutons qu’en exprimant cette opinion, Sprengel s’appuie sur l’exemple de Zeuxis, à la fois hérophiléen et empirique ; et c’est un point où certainement il se trompe. Voy. ci-dessous, p. 236.
  4. Real-Encyclopädie der classischen Alterthumswissenschaft. Stuttgart, Metzler, 1844.