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LES SUCCESSEURS D’ÆNÉSIDÈME. — AGRIPPA.

malgré son mérite, en dehors de la liste des chefs de l’école. La chose n’est d’ailleurs pas sans exemple dans la philosophie grecque[1].


II. Les cinq tropes, la seule chose que nous connaissions de la doctrine d’Agrippa, ont été exposés par Diogène[2] et par Sextus[3], qui les attribue en général aux nouveaux sceptiques, sans nommer Agrippa. Mais comme Diogène emploie l’expression οἱ περὶ Ἀγρίππαν, et présente les cinq raisons de douter dans le même ordre et presque dans les mêmes termes que Sextus, on peut considérer comme certain qu’Agrippa en est réellement l’auteur.

Les cinq tropes sont le désaccord, le progrès à l’infini, la relation, l’hypothèse, le diallèle. Ritter[4] trouve que cette énumération manque d’ordre et de méthode. On peut se convaincre cependant en lisant Sextus que les cinq tropes arrivent l’un après l’autre, se renforcent et se complètent l’un l’autre, de manière à ne laisser aux dogmatistes qu’on pourchasse aucune issue ; il y a entre eux une sorte d’enchaînement logique, et ils correspondent à peu près aux diverses positions que les dogmatistes pouvaient occuper, et dont ils étaient successivement délogés.


1o Toute chose qui est en question est sensible ou intelligible ; mais quelle qu’elle soit, il y a désaccord, soit entre les philosophes, soit dans la vie ordinaire. Les uns estiment que

  1. Voir Zeller, op. cit., t. V, p. 7, 1. L’explication proposée par Hirzel (p. 131), suivant laquelle Agrippa aurait été omis sur la liste de Diogène parce qu’il représentait une autre direction du scepticisme, est peu claire, et au total moins satisfaisante que celle que nous indiquons ici.
  2. IX, 88.
  3. P., I, 164 et seq.
  4. Histoire de la philosophie ancienne, t. IV, p. 230, note (trad. Tissot). Il faut ajouter toutefois que l’ordre dans lequel Sextus les énumère d’abord (et qui est le même chez Diogène) n’est pas conforme à celui qu’il suit lorsqu’il s’agit de les expliquer. Ce dernier paraît le plus logique. Diogène explique les cinq tropes dans l’ordre suivant lequel il les a énumérés : nouvelle preuve qu’il ne puise pas tout à fait aux mêmes sources.