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LE SCEPTICISME. — PARTIE DESTRUCTIVE.

signes : et comme les choses cachées sont de deux sortes, il y a deux espèces de signes. Le signe commémoratif (σημεῖον ὑπομνηστικόν) révèle les πρὸς καιρὸν ἄδηλα ; le signe indicatif (σ. ἐνδεικτικόν) les φύσει ἄδηλα. Par exemple, le mot Athènes, si déjà je connais cette ville, m’y fera penser ; la fumée me fera penser au feu, la cicatrice à la blessure : voilà des signes commémoratifs. La sueur, en coulant sur la peau, me révélera qu’il y a des pores ; les mouvements du corps me feront connaître l’âme, invisible par elle-même : ce sont des signes indicatifs.

Contre les signes commémoratifs, les sceptiques ne soulèvent aucune difficulté. Bien au contraire, ils se défendent d’y porter la moindre atteinte : ils veulent rester d’accord avec le sens commun, ils ne songent pas à bouleverser toutes les habitudes[1]. Les signes de cette nature sont fondés sur un grand nombre d’observations : le sceptique est avec ceux qui y croient simplement, sans dogmatiser ; il ne s’élève que contre les prétentions des savants. On verra plus loin que cette théorie du signe commémoratif est pour Sextus le point de départ de toute une doctrine de l’art ou de la pratique, et d’une sorte de dogmatisme.

C’est uniquement au signe indicatif qu’il en veut : il doute fort de son existence, ce qui en son langage signifie qu’il n’y en a pas.

Quand on se sert des signes indicatifs, on formule deux propositions dont l’une (la chose signifiée) est la conséquence nécessaire de l’autre (le signe). Par exemple : si une femme a du lait, elle a conçu. De là cette définition du signe indicatif[2] : « C’est une énonciation qui dans un συνημμένον correct est l’antécédent, et qui découvre la vérité du conséquent[3]. »

Dans la logique stoïcienne, et chez tous les dogmatistes, toute

  1. P., II, 102.
  2. M., VIII, 245 : Ἀξίωμα ἐν ὑγιεῖ συνημμένῳ καθηγούμενον ἐκκαλυπτικὸν τοῦ λήγοντος. Cf. P., II, 101.
  3. Cette définition avait d’abord été, chez les stoïciens, celle du signe en général (voy. ci-dessus, p. 969, note 1). Quand on eut fait la distinction entre les deux sortes de signes, elle s’appliqua uniquement au signe indicatif ; et comme ce signe (puisqu’il sert à la démonstration) est le signe par excellence, il arrive que Sextus,