Aller au contenu

Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/359

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
349
LE SCEPTICISME. — PARTIE DESTRUCTIVE.

qu’il oppose aux dogmatistes, ce sont des paroles vides (φιλὴν θέσιν λόγων). Et fût-il vrai que son argumentation est triomphante, il ne s’ensuivrait pas qu’elle se détruise elle-même, et s’exclue en s’établissant. Il y a bien des choses qu’on dit en sous-entendant une exception : par exemple, si on dit que Jupiter est le père des Dieux et des hommes, on sous-entend qu’il n’est pas son propre père. De même en disant qu’il est impossible de rien démontrer, on peut sous-entendre : sauf cette proposition même. Accordons pourtant que cette argumentation s’exclut elle-même : elle ressemble au feu qui se consume lui-même en même temps que la matière qui l’alimente, ou à ces purgatifs qui sont chassés en même temps que les humeurs qu’ils entraînent. Et peut-être enfin le sceptique ressemble-t-il à l’homme qui, arrivé au faîte, repousse du pied l’échelle qui l’y a conduit. Content d’avoir démontré qu’il n’y a pas de démonstration, il n’a plus besoin de cette démonstration, et il l’abandonne.


2o Contre les physiciens. — C’est surtout dans les questions de physique que se manifeste la présomption des dogmatistes : mais là encore il est aisé de démontrer l’inanité de leurs prétentions. Il suffit pour cela d’examiner les principes et les idées les plus essentielles, telles que celles de Dieu, de la cause, active ou passive, du tout et de la partie, du corps, du lieu, du mouvement, du temps, du nombre, de la naissance et de la mort.

Dans la question de l’existence des Dieux, plus encore que partout ailleurs, Sextus s’attache à tenir la balance égale entre l’affirmation et la négation. Il expose longuement et impartialement les arguments des dogmatistes, et réfute même en passant quelques-unes des objections qu’on a dirigées contre eux : à lire cette partie de son œuvre, on le prendrait pour un croyant. Il semble qu’il ait à cœur de ne pas mériter le reproche d’impiété en insistant avec trop de complaisance sur les arguments négatifs, et on voit dans toute cette discussion percer le souci de ne