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L’EMPIRISME. — PARTIE CONSTRUCTIVE.

(μιμητική), si on expérimente à diverses reprises, dans des affections identiques, des moyens quelconques qui ont nui ou soulagé, soit accidentellement, soit par hasard.

Cette dernière forme de l’expérience, surtout lorsqu’elle a été précédée, comme on le verra plus loin, du passage du semblable au semblable et qu’elle est devenue l’expérience savante (τριβική)[1], constitue l’art. Quand on a imité non seulement une ou deux fois, mais très souvent (on ne fixe pas le nombre de cas pour échapper à l’argument du sorite[2]) le traitement qui a soulagé une première fois, et constaté la régularité des effets, on arrive au théorème (θεώρημα), qui est l’ensemble de tous les cas semblables. L’art est la réunion de ces théorèmes ; celui qui les réunit est médecin[3].

Ménodote[4] paraît avoir ici complété la théorie des anciens empiriques. Dans l’observation imitative, on ne doit pas, selon lui, se contenter d’enregistrer les cas favorables ; il faut encore s’assurer si le même remède a produit le même résultat ou toujours, ou le plus souvent, ou si le nombre des succès égale le nombre des échecs, ou si le succès est rare. Faute de prendre cette précaution, on n’a qu’une expérience incomplète et désordonnée, κατὰ μόριον ἐμπειρίαν ἀσύνθετον ὑπάρχουσαν.

Il importe aussi de distinguer avec soin les caractères propres et les caractères communs des maladies et des remèdes. Pour les maladies, il faut considérer d’abord les symptômes. Un symptôme est un cas contraire à la nature[5]. La maladie est un concours (συνδρομή) de plusieurs symptômes qui surviennent,

  1. De sect., p. 66 : Τῆν πεῖραν ταύτην τὴν ἑπομένην τῇ τοῦ ὁμοίου μεταβάσει τριβικὴν καλοῦσιν.
  2. Subfig., 38.
  3. De sect., loc. cit.
  4. Galien, il est vrai, n’attribue pas expressément cette correction à Ménodote ; mais c’est Ménodote (Subfig., 38) qui a donné son nom à l’expérience incomplète, et, par suite, il semble bien que c’est lui qui a fait le premier la distinction. Ménodote tient une telle place dans le De subfiguratione empirica qu’on peut croire qu’il a servi de modèle ou de guide à Galien pour l’exposition de la méthode empirique.
  5. Subfig., 44.