Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
368
LIVRE IV. — CHAPITRE III.

tiques, analogisme, mais épilogisme[1]. Par là, il sera bien entendu qu’il ne s’agit pas d’une démonstration, mais d’une simple constatation de successions.

De plus, et c’est un point capital, Ménodote[2] estime que le passage du semblable au semblable fait connaître non la réalité, mais la possibilité. Tant que l’expérience n’a pas prononcé, on ne dépasse pas la vraisemblance. L’induction n’est pas la découverte (εὕρεσις). En revanche, aussitôt que l’expérience a vérifié les conclusions tirées de la ressemblance, n’eût-on fait qu’une seule expérience, on possède une certitude complète[3]. Par là, l’expérience savante (τριβική) diffère de l’expérience imitative, qui exige que la même observation ait été fréquemment répétée.

En même temps qu’il insiste sur l’origine empirique de toute connaissance médicale, Ménodote se distingue avec soin de ceux qui se contentent d’une simple routine et ne font aucun usage du raisonnement[4]. Entre le dogmatisme, qui, à l’aide des seuls raisonnements logiques, prétend arriver à la vérité, et l’érudition sans critique, qui se bonie à amasser des faits, il y a un moyen terme : on peut faire une place à la raison sans lui faire une place exclusive[5]. Le véritable empirique constitue un art ; il instruit les autres[6]. Ménodote[7] appelle tribacas et tribonicos les observateurs irréfléchis qui s’en tiennent aux seules données de l’expérience. Pour parler le langage moderne, c’est vraiment la méthode expérimentale, et non le vulgaire empirisme, dont il trace les règles.

  1. Subfig. emp., 66 : « Vocans epilogismum hoc tertium. » Cf. 48. Cf. Sprengel, op. cit., p. 621. Le mot épilogisme n’est pas nouveau ; on le trouve chez Aristote et Épicure. Mais la signification particulière qu’il prend chez les empiriques paraît dater de Ménodote.
  2. Ibid., 53, 55.
  3. Ibid., 53, 55.
  4. Ibid., 49 : « … Differt maxime ab eo qui irrationalem eruditionem pertractat. »
  5. Ibid., 66 : « Menodotus, multotiens quidem introducens aliud tertium præter memoriam et sensum, nihil aliud ponens quam epilogismum… »
  6. Ibid., 49 : « Constituit artem, et docet alios. »
  7. Ibid., 50. Il distingue les tribacas et tribonicos des tribones, qui sont les seuls vrais savants.