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CONCLUSION.

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La célèbre formule, si souvent répétée depuis Royer-Collard : « On ne fait pas au scepticisme sa part : dès qu’il a pénétré dans l’entendement, il l’envahit tout entier », est peut-être le plus bel éloge qu’on ait jamais fait du scepticisme. Il semblerait, à la prendre au pied de la lettre, que la raison soit désarmée en présence des raisonnements des sceptiques, qu’elle soit vaincue d’avance si elle accepte la lutte. Le mieux serait de fermer les yeux et de se boucher les oreilles, comme on fait pour échapper à d’irrésistibles séductions. Encore un peu, on ferait défense aux philosophes de s’occuper de ces questions, comme on défend aux enfants de jouer avec le feu. Il est inutile de remarquer combien une pareille crainte, en la supposant fondée, serait contraire à l’esprit philosophique ; mais elle est au moins fort exagérée. Ni le scepticisme ne mérite cet honneur, ni la raison cet excès d’indignité.

La formule de Royer-Collard, si elle est philosophiquement sans valeur, exprime cependant assez bien l’état de beaucoup d’esprits, d’ailleurs excellents, à l’égard de ceux qui s’aventurent à discuter le scepticisme sine ira et studio. Si on fait au scepticisme sa part, ou même une part quelconque, tout aussitôt on est accusé de pactiser avec l’ennemi. On est suspect, dès qu’on parlemente avec lui : la moindre concession prend, aux yeux de personnes trop effrayées, les proportions d’une trahison.

La crainte de paraître complice ne nous arrêtera pas plus que la peur d’être emmené en captivité. Sans vouloir nous laisser envahir, sans consentir non plus à nous laisser enrôler parmi les pyrrhoniens, en fort bonne compagnie, nous oserons examiner