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CONCLUSION.

les thèses sceptiques en toute liberté d’esprit, essayer d’en démêler le fort et le faible, leur donner raison quand il nous paraîtra que la raison est pour elles, les condamner quand il nous sera prouvé qu’elles ont tort. Nous essaierons d’accomplir cette tâche sans passion, car quoi de plus inutile ? sans faiblesse non plus, et sans complaisance pour les doctrines que nous avons longtemps étudiées, car quoi de plus ridicule, au temps où nous sommes, qu’une apologie du scepticisme ? Si, comme il est à craindre, nous ne réussissons pas, la difficulté de l’entreprise sera notre excuse. Si nous n’échouons pas complètement, c’est que, vu de près, le monstre est moins redoutable qu’il ne paraît ; on s’apercevra qu’il n’était pas besoin d’un Œdipe pour résoudre les questions de ce sphinx. Nous entrons dans on labyrinthe, mais il n’y a pas de Minotaure.


I. Considérée dans son ensemble et dégagée de la multitude infinie des détails dans lesquels elle s’est trop souvent complue et égarée, l’argumentation sceptique peut se ramener à trois chefs principaux : 1o  Elle récuse la connaissance directe ou intuitive de la réalité. L’intuition sensible (personne ne parlant plus de l’intuition intellectuelle à l’époque où le scepticisme s’est constitué) est jugée par elle radicalement impuissante.

2o  Elle récuse la connaissance indirecte de la réalité, soit par le raisonnement proprement dit, soit par le principe de causalité. S’attachent, non plus à l’expérience vulgaire, mais à la science telle que la définissent les philosophes, elle s’efforce de démontrer que cette science est impossible.

3o  Enfin, se plaçant à un point de vue encore plus général, envisageant non plus l’expérience ou la science, mais l’idée même de la vérité telle que tout le monde la conçoit, elle veut montrer que cette idée n’a pas d’objet. Par définition, la vérité serait ce qui s’impose à l’esprit ; or rien, ni en fait, ni en droit, ne s’impose à l’esprit.

Malgré leurs habitudes d’ordre et de précision, les sceptiques