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CONCLUSION.

puisse faire, il y a un abîme entre le scepticisme d’autrefois et la science d’aujourd’hui : le scepticisme doit être relégué parmi les choses qui ont disparu pour ne plus revenir.

Nous voici encore arrivé à un résultat singulier. Tout à l’heure, les arguments des sceptiques nous paraissaient invincibles ; à présent le scepticisme n’est plus qu’une ombre. Voilà une antilogie comme celles où se complaisaient les pyrrhoniens. Mais celle-ci n’a rien de redoutable : elle provient d’un malentendu sur la nature de la certitude, d’une équivoque sur la définition de la vérité.


III. Le mot certitude désigne, dans le langage ordinaire, l’adhésion pleine et entière de l’âme à une idée : la certitude est caractérisée par l’absence actuelle de doute. À ce compte, il nous arrive souvent d’être certains du faux. Dans le langage plus précis des philosophes, la certitude n’est plus seulement une adhésion pleine et entière, elle est l’adhésion à la vérité ; à l’élément subjectif s’ajoute un élément objectif : la certitude est caractérisée non seulement par l’absence de doute, mais par l’impossibilité de douter, cette impossibilité étant entendue dans un sens absolu, s’étendant à l’avenir autant qu’au présent. Il est clair qu’en ce sens, on ne peut être certain du faux : certitude et vérité sont termes synonymes. Toutefois, y a-t-il entre ces deux termes équivalence complète ? Peut-on dire, si on quitte les définitions abstraites, qui sont ce qu’on veut qu’elles soient, si on s’attache à la réalité, qu’il n’y ait certitude que quand nous possédons la vérité, que la vérité, vue par l’esprit, entraîne toujours la certitude ? Nous ne voudrions pas rentrer dans ce débat, qui a déjà été maintes fois soulevé : on nous accordera sans trop de peine, croyons-nous, que la certitude, si elle ne mérite son nom que quand elle s’applique à la vérité, est cependant autre chose que ia vérité. La vérité est comprise par l’intelligence ; la certitude relève de l’âme tout entière, comme disait Platon : elle est autre chose qu’une simple intellection, elle suppose l’intervention d’un facteur personnel, de quelque