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DIVISION DE L’HISTOIRE DU SCEPTICISME.

dilettantisme, pour se donner le plaisir de montrer à ses adversaires qu’elle sait manier leurs armes et les tourner contre eux, qu’elle hasarde tant de raisonnements subtils ; mais elle sait ce qu’il faut penser de la dialectique : elle n’est pas dupe. Le caractère propre des sceptiques de cette époque, c’est qu’ils sont en même temps des médecins empiriques ; ils connaissent ou plutôt ils entrevoient la méthode d’observation ; ils se sont aperçus qu’en constatant des séries de phénomènes, on peut en prévoir empiriquement le retour : c’est cette méthode qu’ils veulent substituer à la dialectique. Ce n’est pas la science si on veut, c’est un art ou une routine, mais qui est, à leurs yeux, fort préférable à la vaine science dont on s’est contenté jusque-là : c’est une sorte de positivisme. Comme les premiers sceptiques, les philosophes dédaignent, quoiqu’ils s’en servent, le raisonnement pur et la dialectique ; mais ce n’est plus seulement la vertu personnelle, la force du caractère, l’indifférence du sage qu’ils veulent substituer à la science, c’est l’expérience et l’observation. C’est la période du scepticisme empirique.

Outre ces trois périodes, il faut faire une place à la nouvelle Académie. La question, déjà si discutée par les anciens, de savoir si la doctrine de la nouvelle Académie est la même que celle des sceptiques sera examinée quand les doctrines auront été exposées. Les analogies extérieures sont suffisantes pour qu’il soit impossible de faire l’histoire du scepticisme sans parler de la nouvelle Académie. Elle se place naturellement, par l’ordre des dates, entre la première et la seconde période du scepticisme.

Nous diviserons donc la présente étude en quatre livres, et nous examinerons successivement : le scepticisme pratique (Pyrrhon et Timon), le probabilisme (nouvelle Académie), le scepticisme dialectique (Ænésidème et Agrippa) et le scepticisme empirique (Sextus Empiricus).