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la garçonne

fique, magnifique… Tu vois, mon petit, qu’en consentant à te prendre telle que tu es, en ce moment, c’est-à-dire sans le sou, Lucien se conduit… comme j’étais certain que tu le ferais. Il agit vis-à-vis de moi en fils. Et vis-à-vis de toi… Tu te rends compte ? Pas une femme, plus que toi, ne pourra se vanter d’avoir été épousée par amour !

Monique, après l’élan du premier mouvement, réfléchissait. Déception de son indépendance matérielle, évanouie avec la proposition de Lucien ? Attendrissement, regret aussi, dans sa fierté native, d’être épousée sans qu’elle apportât autre chose que l’aide de sa bonne volonté, sa soif ardente de travail ?… Elle était touchée, surtout, par la délicatesse du sentiment, par la discrétion aussi du geste…

— C’est gentil de sa part, hein, maman ? dit-elle.

Tante Sylvestre, qui avait écouté attentivement, demanda :

— Puis-je placer mon mot ? Je suis sûre que je vais me faire attraper par tout le monde ! Tant pis. Je dis ce que je pense. Est-ce que ce n’est pas un million que M. Vigneret devait souscrire, dans votre constitution de société ?

M. Lerbier fronça le sourcil :

— Oui. Pourquoi ?

— Alors, en renonçant à cinq cent mille francs qui ne lui appartiennent pas (puisque Monique se marie sous le régime de la séparation de biens), c’est autant de moins qu’il débourse personnellement ?

— Évidemment !

— C’est tout ce que je voulais savoir…

— Qu’est-ce que tu insinues ? s’écria Mme Lerbier.

— Rien. Rien… Je constate seulement que l’opéra-