Page:Vidal de la Blache - Tableau de la geographie de la France, 1908.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA FRANCE
–––––––––––-–––



EN QUEL SENS LA FRANCE EST

UN ÊTRE GEOGRAPHIQUE


IL semble presque paradoxal de poser même la question suivante : La France est-elle un être géographique? Ce nom a pris à nos yeux une forme concrète; il s’incarne dans une figure à laquelle les cartes nous ont tellement habitués, que nous aurions de la peine à en concevoir les parties groupées d’après des affinités différentes. Volontiers nous serions portés à la considérer comme une unité faite d’avance : plusieurs diraient comme un cadre fourni par la nature à l’histoire.

C’est pourtant la première question sur laquelle il soit utile de s’expliquer, si l’on veut comprendre quelles ont été dans ce pays les relations de la nature et de l’homme. La réponse n’est pas aussi simple qu’on le croirait tout d’abord. Ce n’est pas au point de vue géologique que la France possède ce qu’on peut appeler une individualité. On peut parler d’harmonie entre ses diverses parties; mais il serait contraire aux résultats les moins contestables de la science de croire qu’un seul et même plan a présidé à sa structure.

Ce que nous disons de la géologie peut se répéter du climat, de la flore et de la faune sur ce territoire que nous appelons la France. Dans la variété de ses climats on distingue plusieurs types tranchés, qui ne lui sont pas particuliers. Il en est de même de ses espèces de plantes, d’animaux, de ses populations humaines. Elles se rattachent par leurs affinités, les unes au bassin méditerranéen, les autres à l’Europe centrale. Rien ne s’accorde avec l’idée d’un foyer de répartition situé dans l’intérieur de la France, d’où elles auraient rayonné en commun sur le reste du territoire.

Cependant nous répétons volontiers ce mot de Michelet : « La France est une personne. » Nous regardons comme un témoignage significatif et vrai les paroles souvent citées par lesquelles, il y après de vingt siècles, Strabon carac-