Page:Vidal de la Blache - Tableau de la geographie de la France, 1908.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cité que la chaleur, sont les dons qu’en échange a reçus notre extrême promontoire océanique.

Les modifications s’échelonnent rapidement de la Vilaine à la Gironde. Déjà la côte méridionale de Bretagne est plus lumineuse. Un clair soleil joue souvent sur les croupes fleuries qui bordent le Morbihan ; ciel mouillé radieux entre deux averses, mais dont l’éclat plus grand se manifeste déjà par une avance dans l’époque des moissons. Dans la Bretagne occidentale, cette date recule, comme en Normandie, jusqu’en août ; dans la Bretagne méridionale elle est plus précoce. Poussons jusqu’au Sud de la Vendée, et là, comme en Béarn, la récolte, dès la première moitié de juillet, est chose faite.

Par les vallées ces effluves de climat océanique pénètrent profondément. La feuillaison printanière entre Tours et Saumur est de cinq jours en avance sur Orléans. Sous leur ciel très doux les vallées angevines et tourangelles abritent, avec la vigne, une grande variété de ces cultures délicates qui réclament de l’homme attention et presque amour et qui affinent celui qui s’y livre.

Les étés au voisinage de cette mer d’Aquitaine sont chauds et ensoleillés. Les observations mettent aujourd’hui hors de doute une diminution sensible de pluie dans la partie de la côte qui s’infléchit entre la Loire et la Gironde. Après une légère recrudescence de pluie en mai, le littoral de la Saintonge et même celui du Poitou se montrent, pendant les mois décisifs de juin, juillet et août, plus secs que l’arrière-pays. Les orages du Sud-Ouest semblent dévier ; ils les épargnent, tandis qu’ils vont faire rage sur les hauts plateaux limousins. Dès lors, aux plantes à feuillage vert que favorisait la tiédeur du climat breton, s’ajoutent celles qui ont plus d’exigences de lumière et de chaleur. Le chêne-vert, après quelques timides apparitions dans les parties abritées des Côtes-du-Nord, se montre dans l’ile de Noirmoutier, il festonne les côtes calcaires de Saintonge. Une autre essence, très rare encore en Bretagne, le chêne-tauzin, devient dominante. Et tandis que la physionomie végétale s’enrichit d’un grand nombre de traits nouveaux, elle perd d’autres éléments. Le hêtre a cessé de tapisser les collines ; le charme qui, surtout dans le Nord-Est, compose la plupart des taillis, manque de La Rochelle à Bayonne.

C’est bien une sorte de Midi anticipé qui apparaît ainsi au tournant de la Bretagne, et se prolonge à travers la Saintonge. Rien que l’aspect des maisons aux toits à peine inclinés serait un indice de la sécheresse du climat. L’exploitation fort ancienne des marais salants est un signe de la puissance qu’y prennent les rayons du soleil. Les salines du Croisic sont à peu près les plus septentrionales que tolère le climat océanique. Pour les peuples maritimes du Nord, ces pays de sel, de la vigne et de fins produits étaient la première apparition d’une nature méridionale. Il ne tint pas aux Anglais qu’ils devinssent pour eux un Portugal.

Ce n’est pas toutefois le Midi, tel qu’il éclate dans la vallée du Rhône. La fraîcheur des prairies dans les vallées, la fréquence dans les sables de