Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/113

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marins mangent vite et boivent longtemps. Des chants à faire frémir les vitres vinrent tout à coup interrompre notre repos ; quarante voix discordantes entre elles répétaient en chœur le refrain fameux de l’hymne de Roland.

— Au diable les chanteurs ! s’écria Dufailli, je faisais le plus beau rêve ;… j’étais à Toulon : y es-tu allé à Toulon, pays ? – Je répondis à Dufailli, que je connaissais Toulon, mais que je ne voyais pas quel rapport il pouvait y avoir entre le plus beau rêve et cette ville. – J’étais forçat, reprit-il, je venais de m’évader. Dufailli s’aperçoit que le récit de ce songe fait sur moi une impression pénible, que je n’étais pas le maître de dissimuler. – Eh bien ! qu’as-tu donc, pays ? n’est-ce pas un rêve que je te raconte ? je venais de m’évader ; ce n’est pas un mauvais rêve, je crois, pour un forçat ; mais ce n’est pas tout, je m’étais enrôlé parmi des corsaires, et j’avais de l’or gros comme moi.

Quoique je n’aie jamais été superstitieux, j’avoue que je pris le rêve de Dufailli pour une prédiction sur mon avenir ; c’était peut-être un avis du ciel pour me dicter une détermination. Cependant, disais-je en moi-même, jusqu’à