Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/120

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de notre absence, que déjà nous étions de retour ; l’on chanta, l’on but, l’on mangea, alternativement, et tout à la fois, sans désemparer jusqu’à minuit, confondant ainsi tous les repas en un seul. Paulet et Fleuriot, son second, étaient les héros de la fête : au physique comme au moral, ils étaient les véritables antipodes l’un de l’autre. Le premier était un gros homme court, râblé, carré ; il avait un cou de taureau, des épaules larges, une face rebondie, et dans ses traits quelque chose du lion ; son regard était toujours ou terrible ou affectueux ; dans le combat, il était sans pitié, partout ailleurs il était humain, compatissant. Au moment d’un abordage, c’était un démon ; au sein de sa famille, près de sa femme et de ses enfants, sauf quelque reste de brusquerie, il avait la douceur d’un ange ; enfin c’était un bon fermier, simple, naïf et rond comme un patriarche ; impossible de reconnaître le corsaire ; une fois embarqué, il changeait tout à coup de mœurs et de langage, il devenait rustre et grossier outre mesure, son commandement était celui d’un despote d’Orient, bref et sans réplique ; il avait un bras et une volonté de fer, malheur à qui lui résistait. Paulet était intrépide et bon homme, sensible et brutal, personne plus que