Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/260

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nous gagnâmes les Champs-Élysées. Il était quatre heures du matin ; nous ne rencontrâmes personne. C’était moi qui portais les couverts ; je me serais bien gardé de les laisser à mon compagnon, il fallait que je pusse disparaître sans inconvénient, s’il lui était arrivé de s’insurger ou de faire un esclandre. Heureusement, il fut fort docile ; au surplus, j’avais sur moi le terrible couteau, et chevalier, qui ne raisonnait pas, était persuadé qu’au moindre mouvement qu’il ferait, je le lui plongerais dans le cœur : cette terreur salutaire, qu’il éprouvait d’autant plus vivement qu’il n’était pas irréprochable, me répondait de lui.

Nous nous promenâmes longtemps aux alentours de Chaillot ; Chevalier, qui ne prévoyait pas comment tout cela finirait, marchait machinalement à mes côtés ; il était anéanti et comme frappé d’idiotisme. À huit heures, je le fis monter dans un fiacre et le conduisis au passage du bois de Boulogne, où il engagea en ma présence, et sous son nom, les quatre couverts, sur lesquels on lui prêta cent francs. Je m’emparai de cette somme ; et, satisfait d’avoir si à propos recouvré en masse ce qu’il m’avait extorqué en détail, je remontai avec lui dans la voiture, que je fis arrêter sur la place de la Concorde. Là, je descendis,