Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Chante-à-l’heure me raconta en détail et avec une rare insensibilité toutes les circonstances de ce meurtre. J’entendis jusqu’au bout ce récit abominable, faisant à chaque instant d’incroyables efforts pour cacher mon indignation : chaque parole qu’il prononçait était de nature à faire dresser les cheveux de l’homme le moins susceptible d’émotions. Quand ce scélérat eut achevé de me retracer avec une horrible fidélité les angoisses de la victime, je l’engageai de nouveau à ne pas perdre son ami Blignon ; mais, en même temps, je jetai habilement de l’huile sur le feu, que je semblais vouloir éteindre. Je me proposais d’amener Chante-à-l’heure à faire de sang-froid à l’autorité, l’horrible révélation à laquelle l’avait poussé la colère. Je désirais en outre pouvoir fournir à la justice les moyens de conviction qui lui étaient nécessaires pour frapper les assassins. Il y avait beaucoup à éclaircir. Peut-être Chante-à-l’heure ne m’avait-il fait qu’une fable qui lui aurait été suggérée par le vin et l’esprit de vengeance. Quoi qu’il en soit, je fis à M. Henry un rapport, dans lequel je lui exposais mes doutes, et bientôt il me fit savoir que le crime que je lui dénonçais n’était que trop réel. M. Henry m’engageait