Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/332

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n’en gémissais pas moins de cette fatalité qui me plaçait sans cesse dans l’alternative de monter sur l’échafaud ou d’y faire monter les autres.

La qualité d’agent secret préservait, il est vrai, ma liberté, je ne courais plus les mêmes dangers auxquels un forçat évadé est exposé, je n’avais plus les mêmes craintes ; mais tant que je n’étais pas gracié, cette liberté dont je jouissais n’était qu’un état précaire, puisqu’à la volonté de mes chefs, elle pouvait m’être ravie d’un instant à l’autre. D’un autre côté, je n’ignorais pas quel mépris s’attache au ministère que je remplissais. Pour ne pas me dégoûter de mes fonctions et des devoirs qui m’étaient prescrits, j’eus besoin de les raisonner, et dans ce mépris qui planait sur moi, je ne vis plus que l’effet d’un préjugé. Ne me dévouais-je pas chaque jour dans l’intérêt de la société ? C’était le parti des honnêtes gens que je prenais contre les artisans du mal, et l’on me méprisait !… J’allais chercher le crime dans l’ombre, je déjouais des trames homicides, et l’on me méprisait !… Harcelant les brigands jusque sur le théâtre de leurs forfaits, je leur arrachais le poignard dont ils s’étaient armés, je bravais leur vengeance et l’on me