Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/91

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moitié buvant, il s’enivra sans s’en apercevoir. Enfin il vint un moment où il fut saisi d’une incroyable difficulté de s’exprimer : il avait ce qu’on appelle la langue épaisse. Ce fut alors que le fourrier et le sergent-major songèrent à se retirer.

Dufailli et moi nous restâmes seuls ; il s’endormit, se pencha sur la table, et se mit à ronfler, pendant qu’en digérant de sang-froid, j’étais livré à mes réflexions. Trois heures s’étaient écoulées, et il n’avait pas achevé son somme. Quand il se réveilla, il fut tout surpris de voir quelqu’un auprès de lui ; il ne m’aperçut d’abord qu’à travers un épais brouillard, qui ne lui permit pas de distinguer mes traits ; insensiblement, cette vapeur se dissipa, et il me reconnut ; c’était tout ce qu’il pouvait. Il se leva en chancelant, se fit apporter un bol de café noir, dans lequel il renversa une salière, avala ce liquide à petites gorgées et, ayant passé son demi-espadon, il se pendit à mon bras, en m’entraînant vers la porte ; mon appui lui était on ne peut plus nécessaire : il était la vigne qui s’attache à l’ormeau. – Tu vas me remorquer, me dit-il, et moi je te piloterai. Vois-tu le télégraphe ? Qu’est-ce qu’il dit avec ses bras en l’air ? il signale que le Dufailli est vent dessus vent dedans ;…