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CHAPITRE XI.

poëte qui fut aussi un grand naturaliste, exerça-t-il une si faible influence sur la marche de la science ? Pourquoi les botanistes ne surent-ils comprendre Gœthe, que lorsqu’ils l’eurent rejoint pas à pas sur les hauteurs où il s’était élancé de plein saut ? C’est qu’il avait laissé à d’autres le soin de développer et de défendre ses vues nouvelles : et qui pouvait le faire, si ce n’était lui-même ? Celui qui avait écrit Gœtz et Werther, écrivit Hermann et Faust, et la Métamorphose resta oubliée.

Pourquoi, au contraire, la Théorie des analogues a-t-elle pris si promptement sa place dans la science ? C’est que Geoffroy Saint-Hilaire eut un avantage, et nous ne saurions nous servir d’un autre terme, dont Gœthe avait été privé : celui de voir ses vues, à peine publiées, attaquées avec force par le plus illustre naturaliste de son époque.

On n’émet pas des idées vraiment neuves, on ne reprend pas les questions fondamentales d’une science pour les résoudre contrairement aux opinions régnantes, sans soulever contre soi une vive opposition. Tant que la médiocrité s’était seule adressée à lui, Geoffroy Saint-Hilaire avait continué sa marche, laissant le champ libre à ses adversaires, ou, tout au plus, leur jetant en passant quelques paroles de réplique ; car, selon sa propre expression, il se devait à d’autres soins[1]. Aux objections

  1. Discours préliminaire du Cours sur les Mammifères. — « Inventeur d’idées nouvelles, dit-il aussi dans une note restée