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PORTRAITS JAUNES

presque tous leurs prêtres pour leur trancher la tête après leur avoir fait subir l’épouvantable supplice de la fracture des os. Le temps n’est plus où on laissait nos marins vengeurs venir s’installer dans une pagode, puis où on les fusillait traîtreusement par des ouvertures dissimulées dans la muraille creuse. La Corée solitaire et farouche, séparée violemment de sa suzeraine, la Chine, un peu moins sauvage, n’est plus, pour ainsi dire, qu’une quantité négligeable. Mais elle aussi a et conservera d’impérissables souvenirs parmi lesquels les plus grands sont ceux qui s’auréolent de la gloire du martyre chrétien, car ses enfants sont tombés au champ d’honneur à côté des pères de son âme, venus d’Europe, venus de France. Nous nous rappellerons toujours qu’abordant aux rivages du Céleste-Empire, nous fûmes accueilli par l’évêque de Corée[1], un des survivants, lui aussi, de l’affreux massacre, et qu’il nous dit un soir :

« Demain, celui qui vous servira la messe est un Coréen exilé comme moi ; comme moi il a vu les grands jours ; comme moi, il a été témoin de Jésus-Christ ; il-est fils et frère de ceux qui sont morts en versant leur sang ! »

Ah ! comme j’eusse compris que cet homme, ce servant de messe au rude visage mongol, que j’abordais le lendemain, franchît les degrés de l’autel, s’approchât plus près et prît ma place de prêtre près du tabernacle !


II

LES JAPONAIS


J’ai dit : « les Japonais sont venus »… et ils ont tout changé en Corée. On n’attend pas de moi une description du Japon ; je ne parlerai des Japonais que pour les portraicturer au moral ; bien qu’ayant adopté presque tout de nous, ils sont

  1. Mgr Ridel.