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JOURNAL D’UN POÈTE

DE SAINT AUGUSTIN. — Il défendait la grâce contre Pelage ; mais il avoua qu’il sentait en lui un libre arbitre. C’est que les deux sont en nous ; nous gémissons du poids de la destinée qui nous opprime ; mais savons-nous si Dieu ne gémit pas de notre continuelle action et n’en souffre pas ?

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Je sais apprécier la charge dans la comédie, mais elle me répugne parce que, dans tous les arts, elle enlaidit et appauvrit l’espèce humaine, et, comme homme, elle m’humilie.
Le Petit Pouilleux de Murillo est beau d’exécution, mais si près du singe, qu’il me fait honte.
Le Légataire uuiversel, dérivé du Médeein malgré lui et de toutes les farces italiennes, me fait mal au cœur comme une médecine. Je ne peux rire du gros rire, je l’avoue, et les saletés de la santé humaine font que je fronce le sourcil de tristesse et de pitié, voilà tout. — Ne pourrait-on trouver ailleurs le comique satirique dont on fait tant de cas ? — La mesure de comique du Misanthrope et de Tartufe n’est-elle pas supérieure à tout cela et d’une nature plus pure ?


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