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dans les glaces
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sespéré de notre position, car si la démoralisation se mettait parmi nos matelots, il n’y aurait plus la moindre lueur d’espoir. Ils sont pour la plupart ignorants et ne voient que par les yeux de leurs chefs. Si ces derniers ne savent pas leur inspirer une aveugle confiance, ils s’abandonnent à toutes sortes de terreurs. Tant qu’ils croiront en nous, nous pourrons lutter contre notre mauvaise fortune. Gardons-nous donc de leur laisser entrevoir la vérité. À bord, vois-tu, un capitaine est maître absolu, mais dans un cas comme celui-ci, on ne se fait obéir qu’à force d’énergie et de supériorité morale. Surtout, évite soigneusement d’avoir avec nos hommes la moindre discussion, ne leur donne aucun ordre, en un mot ne te mêle de rien, car ils sont déjà suffisamment montés contre toi qu’ils accusent d’être la cause de tout le mal.

— Les ai-je forcés à nous accompagner ? dit le comte assez surpris.

— Certes, non ; chacun nous a suivis de son plein gré. Mais ils te diront que si tu ne leur avais pas fait cette proposition ils ne fussent pas partis.

— C’est tout simplement absurde ! s’écria M. de Navailles hors de lui.

— C’est humain, voilà tout. Si nous avions réussi, tous t’auraient comblé de bénédictions ; nous avons échoué, ils te regardent comme la cause première du désastre. Que cela t’indigne, je le comprends, mais tu n’as pas, je suppose, la prétention de refaire le monde.

— Je suis absolument de l’avis du capitaine, dit le second. À tort ou à raison, nos hommes font retomber sur vous la responsabilité de l’entreprise ; prenez-en donc