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au klondyke

Des lamentations désolées accueillirent ce nouveau désastre.

En ce moment, les matelots eussent sans regret donné l’or des autres chaloupes pour sauver celles qui venaient de disparaître, emportées sous la glace après avoir déversé leur contenu dans la rivière.

Les indigènes qui avaient, par leur maladresse, causé cet irréparable malheur, après être tombés à l’eau étaient remontés sur la glace et demeuraient silencieux, tremblant de tous leurs membres dans la crainte de voir se déchaîner contre eux la fureur générale.

Dominant les cris et les imprécations, la voix du capitaine s’éleva, vibrante.

— Voyons, s’écria-t-il, êtes-vous des hommes ou des lâches ?… Quoi ! parce qu’un nouveau malheur est venu fondre sur nous, vous gémissez comme des enfants craintifs ! … En vérité, je me demande où j’ai eu la tête en vous offrant de m’accompagner. Il est vrai que les matelots que j’avais connus jusque-là étaient des gaillards énergiques et non des clampins !… Ne dirait-on pas que nous sommes perdus parce que nous allons jeûner un peu, car, sachez-le, en quatre jours nous pouvons être en vue du navire qui nous attend… Maintenant, répondez-moi : voulez vous me suivre, oui ou non ?…

— Oui ! oui ! crièrent les matelots, subitement réconfortés par la pensée que quatre jours plus tard ils en auraient fini avec leurs souffrances.

La traversée de la rivière s’acheva avec assez d’entrain. Les chaloupes furent replacées sur les affûts et la marche continua, lente, pénible, à travers la neige et les fondrières.