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le chef des hurons

La nuit était tout à fait venue ; aussi, craignant une surprise, le colonel remit au lendemain le soin d’enterrer les morts.

Quant aux blessés, blancs et Hurons, ils avaient été transportés dans une ambulance installée par les soins du Père Florentin, qui pansa leurs blessures avec une angélique sollicitude.

Fidèle à la coutume européenne, le colonel avait voulu faire relever les blessés ennemis pour leur prodiguer des soins ; mais, outre les dangers que cette opération aurait fait courir à ses hommes, Taréas, en vrai Peau-Rouge, s’y était énergiquement opposé.

Ne demandant jamais de grâce, il n’en accordait pas.

Force fut donc au colonel de renoncer à son généreux projet et de se courber sous cette dure nécessité qui répugnait à son cœur de soldat et de chrétien. Placé entre l’amitié des Hurons et la reconnaissance problématique de ses ennemis, il ne lui était pas permis d’hésiter.

Lorsque l’ordre régna enfin dans la Mission et que chacun eût repris son poste de combat, les chasseurs canadiens allèrent reprendre leur place dans les tranchées, afin de surveiller les mouvements de l’ennemi.

— M. de Vorcel interrogea alors Taréas sur son arrivée providentielle autant qu’inattendue.

— Mon frère veut savoir ? dit le chef, qui pensait que sa présence se passait de commentaires.

— Oui, chef, puisque je vous le demande.

— J’étais allé, avec mes guerriers, rendre compte au grand chef des blancs d’une mission dont il m’avait chargé, quand j’ai appris que le chef de la prière allait être attaqué ; alors je suis venu.

Taréas prononça ces paroles simplement, comme s’il eût accompli la chose la plus naturelle.

Tant de grandeur d’âme chez ce sauvage émerveilla le colonel.

— Chef, dit-il au Huron, vous êtes un noble cœur !