Page:Villetard de Laguérie - La Corée, indépendante, russe, ou japonaise.djvu/124

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maisons, où les femmes passent en se hâtant, et sur les sentiers battus, où les personnages importants flânent solennellement, leur longue pipe aux lèvres. C’est le spectacle d’une de nos grandes foires de province, moins l’orchestre tonitruant du tueur de vers ou de l’arracheur de dents, la polka pour piston de la baraque des lutteurs, la complainte et le tableau sur toile cirée du crime célèbre, moins surtout le brouhaha des mille voix de nos foules. Les gens ici parlent à voix basse : on n’entend sortir de ce vaste fourmillement de robes blanches qu’une sorte de murmure comme celui du vent dans les arbres, et l’impression est saisissante de ce bruit de cimetière exhalé d’une foule fantôme, de cette vie affirmée par un mouvement intense, et démentie par le silence et le costume de la mort.

Quand le roi sort du Palais pour aller visiter son père, ou sacrifier soit dans un temple, soit aux tombes de ses ancêtres, le maître des cérémonies et son personnel démolissent et font disparaître tout ce campement en indemnisant les propriétaires à raison de tant par camp. Plus souvent, l’incendie exécute cette besogne d’assainissement, sans être contrarié par les Coréens qui voient dans ce désastre le passage du Dieu du feu, dont ils gênent la promenade rituelle du Ponk-han au Nam-San. Mais le roi passé, ou le feu éteint, de nouvelles perches sont plantées et croisées en X, de nouvelles toiles tendues, et l’avenue reprend son aspect ordinaire de grande place foraine.