Page:Villetard de Laguérie - La Corée, indépendante, russe, ou japonaise.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les malheureux Coréens, cruellement gênés par leur exil dans des casaques, pantalons, guêtres et demi-bottes, peut-être aussi conscients de leur ridicule et de leur humiliation, grands, forts, mais plus balourds encore que les Japonais, exécutaient le maniement d’armes, les marches, contremarches, dispersions, rassemblements, etc., en entrechoquant leurs armes dans des mouvements saccadés et précipitamment successifs. Quel dédain plissait les joues en losange et les petits yeux des instructeurs ! Et comme ils secouaient, bourraient et crossaient leurs élèves !

Étant si bien châtiés, pouvaient-ils ne pas se sentir bien aimés ?

S’ils m’ont paru manquer d’enthousiasme, c’est sans doute parce que tout sentiment profond se tait et se dissimule… ?

Et je pensai que ces malheureux, déracinés, mis fatalement en antagonisme avec le reste de l’armée nationale et du pays, seraient, tôt ou tard, un instrument, conscient ou non, précieux pour la politique mikadonale.

Nous revînmes nous asseoir devant le feu.


« Et la Reine ? » demandai-je au comte Inouye en allumant une cigarette qu’il m’offrait, fidèle à l’invariable courtoisie des hommes de son rang. « Se résigne-t-elle sans lutte à ce nouvel ordre de choses ?

— Elle est femme, répondit le comte. Elle nous oppose la patience et la ruse. Elle a fait placer le reste