Page:Villetard de Laguérie - La Corée, indépendante, russe, ou japonaise.djvu/80

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métallique, allongé et mince, à tournure canulaire, entre les lèvres peu moustachues de son propriétaire. Elle est, comme le vêtement blanc, une caractéristique de ce peuple. Hommes, femmes, jeunes gens, enfants, ne se séparent jamais de cette amie des heures solitaires ou des rêveries.

Ils marchent lourdement, sans penser, sans voir, chaussés de gros socques en paille bien tressée, au risque de blesser les passants avec les deux supports pointus et prolongés de leur crochet, en triangle ouvert, de poutrelles équarries assemblées par des cordes d’écorce. Ils échafaudent dessus des charges à faire reculer n’importe quel « fort » de la Halle et leur robuste échine ne plie pas. Pour se reposer, ils s’accroupissent le long des montants, sans se dévêtir des bricoles, en adossant le faix à un mur ou un rocher.

Au milieu de cette foule à remous violents, épanchée, comme une éclusée, des entrepôts de la Douane, courent, piaillent, s’interpellent les coolies japonais qui font beaucoup moins de besogne, si beaucoup plus de bruit. La protection fraternelle qu’ils accordent à ces inférieurs en culture, pour les introduire dans la civilisation où ils les ont précédés, ne peut pas être acceptée sans arguments touchants… Du reste, jamais plus sot bétail n’a provoqué les coups et ne les a encaissés avec plus d’indifférence. J’ai vu ainsi un tout petit Japonais déblayer un sampan, chargé de nos bagages, au moment où il atterrissait, en gaulant, à grande volée,