Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/120

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Les ondes sonores du système nerveux ont de ces vibrations mystérieuses. Elles assourdissent, pour ainsi dire, par la diversité de leurs échos, l’analyse du coup initial qui les a produites. La mémoire distingue le milieu ambiant de la chose, et la chose elle-même se noie dans cette sensation générale, jusqu’à demeurer opiniâtrement indiscernable.

Il en est de cela comme de ces figures autrefois familières qui, revues à l’improviste, troublent, avec une évocation tumultueuse d’impressions encore ensommeillées, et qu’alors il est impossible de nommer.

Mais les hautes manières, la réserve enjouée, la dignité bizarre de l’inconnu, — sorte de voiles tendus sur la réalité à coup sûr très sombre de sa nature, — m’induisirent à traiter (pour l’instant, du moins) ce rapprochement comme un fait imaginaire, comme une sorte de perversion visuelle née de la fièvre et de la nuit.

Je résolus donc de faire bon visage au festin, selon mon devoir et mon plaisir.

On se levait de table par jeunesse, — et les fusées des éclats de rire vinrent se mêler aux boutades harmonieuses frappées, au hasard, sur le piano, par des doigts légers.

J’oubliai donc toute préoccupation. Ce furent, bientôt, des scintillements de concetti, des aveux légers, de ces baisers vagues (pareils au bruit de ces feuilles de fleurs que les belles distraites font claquer sur le dessus de leurs mains), — ce furent des feux de sou-