Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/154

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Une clameur de malédiction s’éleva, tonnante, et les poursuivit. Les catapultes ronflèrent, envoyant des volées de cailloux dont les chocs sonnèrent après mille sifflements et crépitèrent en pénétrant les arbres.

Les poings tendus, les bras levés au ciel, on voulut les effrayer. Ils demeurèrent impassibles comme si une odeur divine de héros étendus les eût fascinés, et ils ne quittèrent point les branches noires, ployantes sous leur fardeau.

Les mères frémirent, en silence, devant cette apparition.

Maintenant les vierges s’inquiétaient. On leur avait distribué les lames saintes, suspendues, depuis des siècles, dans les temples. — « Pour qui ces épées ! » demandaient-elles. Et leurs regards, doux encore, allaient du miroitement des glaives nus aux yeux plus froids de ceux qui les avaient engendrées. On leur souriait par respect, — on les laissait dans l’incertitude des victimes, on leur apprendrait, au dernier instant, que ces épées étaient pour elles.

Tout à coup, les enfants poussèrent un cri. Leurs yeux avaient distingué quelque chose au loin. Là-bas, à la cime déjà bleuie du mont désert, un homme, emporté par le vent d’une fuite antérieure, descendait vers la Ville.

Tous les regards se fixèrent sur cet homme.

Il venait, tête baissée, le bras étendu sur une sorte de bâton rameux, — coupé au hasard de la détresse, sans doute, — et qui soutenait sa course vers la porte spartiate.