Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/215

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coût social de cette prérogative, les pleurs, par ceux-là mêmes qui n’ont le moyen d’en répandre qu’à la dérobée.

Nous appartenons tous, aujourd’hui, à la grande Famille humaine ; c’est démontré. Dès lors, pourquoi regretter celui-ci plutôt que celui-là ?… Concluons : puisque tout s’oublie, ne vaut-il pas mieux s’habituer à l’oubli immédiat ? — Les grimaces les plus affolées, les sanglots, les hoquets les mieux entrecoupés, les hululations et jérémiades les plus désolées ne ressuscitent, hélas ! personne.

Et fort heureusement, même, à la fin !… Sans quoi ne serions-nous pas bientôt serrés, sur la planète, comme un banc de harengs ? — Prolifères comme nous le devenons, ce serait à n’y pas tenir. L’inéluctable prophétie des économistes s’accomplirait à courte échéance ; le digne Polype humain mourrait de pléthore, — et, — les débouchés intermittents des guerres ou des épidémies une fois reconnus insuffisants, — s’assommer, réciproquement, à grands coups de sorties-de-bal, deviendrait indispensable si l’on persistait à vouloir respirer ou circuler sur ce globe, — sur ce globe où la Science nous prouve, par A plus B, que nous ne sommes, après tout, qu’une vermine provisoire.

Ceci soit dit pour ces persifleurs, vous savez ? pour ces sombres écrivains qu’il faut relire plusieurs fois si l’on veut pénétrer la véritable signification de ce qu’ils disent.

— « Sans douleur ! Messieurs ! accourez ! Demandez !