Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/243

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m’habillant à la hâte. Il ne s’agissait pas ici de corser les choses : la situation (banale, il est vrai, pour le théâtre) me semblait archisuffisante pour l’existence. Et son côté Closerie des Genêts, sans offense, disparaissait à mes yeux quand je songeais que ce qui allait se jouer, c’était la vie de mon pauvre Raoul ! — Je descendis sans perdre une minute.

L’autre témoin, M. Prosper Vidal, était un jeune médecin, très mesuré dans ses allures et ses paroles ; une tête distinguée, un peu positive, rappelant les anciens Maurice Coste. Il me parut très convenable pour la circonstance. Vous voyez cela d’ici, n’est-ce pas ?

Tous les convives, devenus très attentifs, firent le signe de tête entendu que cette habile question nécessitait.

— La présentation terminée, nous roulâmes sur le boulevard Bonne-Nouvelle, où était l’hôtel de Raoul (près du Gymnase). — Je montai. Nous trouvâmes chez lui deux messieurs boutonnés du haut en bas, dans la couleur, bien que légèrement démodés aussi. (Entre nous, je trouve qu’ils sont un peu en retard, dans la vie réelle !) — On se salua. Dix minutes après, les conventions étaient réglées : Pistolet, vingt-cinq pas, au commandement. La Belgique. Le lendemain. Six heures du matin. Enfin, ce qu’il y a de plus connu !

— Tu aurais pu trouver plus neuf, interrompit, en essayant de sourire, le convive qui combinait des bottes secrètes avec sa fourchette et son couteau.