Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/258

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— Il est des esprits chrétiens d’une parenté divine très rapprochée, me répondit-il. — Oui. — Le monde a des croyances moins « raisonnables » pour lesquelles des partisans se trouvent qui sacrifient leur sang, leur bonheur, leur devoir. Ce sont des fanatiques ! acheva-t-il en souriant. Choisissons, pour foi, la plus utile, puisque nous sommes libres et que nous devenons notre croyance.

— Le fait est, lui répondis-je, qu’il est déjà très mystérieux que deux et deux fassent quatre.

Nous passâmes dans la salle à manger. Pendant le repas, l’abbé, m’ayant doucement reproché l’oubli où je l’avais tenu si longtemps, me mit au courant de l’esprit du village.

Il me parla du pays, me raconta deux ou trois anecdotes touchant les châtelains des environs.

Il me cita ses exploits personnels à la chasse et ses triomphes à la pêche : pour tout dire, il fut d’une affabilité et d’un entrain charmants.

Nanon, messager rapide, s’empressait, se multipliait autour de nous et sa vaste coiffe avait des battements d’ailes.

Comme je roulais une cigarette en prenant le café, Maucombe, qui était un ancien officier de dragons, m’imita ; le silence des premières bouffées nous ayant surpris dans nos pensées, je me mis à regarder mon hôte avec attention.

Ce prêtre était un homme de quarante-cinq ans, à peu près, et d’une haute taille. De longs cheveux gris entouraient de leur boucle enroulée sa maigre et forte