Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/279

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blait rentrée dans son inattention. Maintenant, on eût dit qu’elle écoutait exclusivement les mélodies de la Norma.

Au moment d’élever sa lorgnette vers la loge, Félicien sentit que ce serait une inconvenance.

— Puisque je l’aime ! se dit-il.

Impatient de la fin de l’acte, il se recueillait. — Comment lui parler ? apprendre son nom ! Il ne connaissait personne. — Consulter, demain, le registre des Italiens ? Et si c’était une loge de hasard, achetée à cause de cette soirée ! L’heure pressait, la vision allait disparaître. Eh bien ! sa voiture suivrait la sienne, voilà tout… Il lui semblait qu’il n’y avait pas d’autres moyens. Ensuite, il aviserait ! Puis il se dit, en sa naïveté… sublime : « Si elle m’aime, elle s’apercevra bien et me laissera quelque indice. »

La toile tomba. Félicien quitta la salle très vite. Une fois sous le péristyle, il se promena, simplement, devant les statues.

Son valet de chambre s’étant approché, il lui chuchota quelques instructions ; le valet se retira dans un angle et y demeura très attentif.

Le vaste bruit de l’ovation faite à la cantatrice cessa peu à peu, comme tous les bruits de triomphe de ce monde. — On descendait le grand escalier. — Félicien, l’œil fixé au sommet, entre les deux vases de marbre, d’où ruisselait le fleuve éblouissant de la foule, attendit.

Ni les visages radieux, ni les parures, ni les fleurs au front des jeunes filles, ni les camails d’hermine,