Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/322

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Indes, par de mystérieux coups de main qu’il exécuta, seul, à l’intérieur des Cités-mortes.

Ces villes, sous des cieux blancs et déserts, gisent, effondrées au centre d’horribles forêts. Les faréoles, l’herbe, les rameaux secs jonchent et obstruent les sentiers qui furent des avenues populeuses, d’où le bruit des chars, des armes et des chants s’est évanoui.

Ni souffles, ni ramages, ni fontaines en la calme horreur de ces régions. Les bengalis, eux-mêmes, s’éloignent, ici, des vieux ébéniers, ailleurs leurs arbres. Entre les décombres, accumulés dans les éclaircies, d’immenses et monstrueuses éruptions de très longues fleurs, calices funestes où brûlent, subtils, les esprits du Soleil, s’élancent, striées d’azur, nuancées de feu, veinées de cinabre, pareilles aux radieuses dépouilles d’une myriade de paons disparus. Un air chaud de mortels arômes pèse sur les muets débris : et c’est comme une vapeur de cassolettes funéraires, une bleue, enivrante et torturante sueur de parfums.

Le hasardeux vautour qui, pèlerin des plateaux du Caboul, s’attarde sur cette contrée et la contemple du faîte de quelque dattier noir, ne s’accroche aux lianes, tout à coup, que pour s’y débattre en une soudaine agonie.

Çà et là, des arches brisées, d’informes statues, des pierres, aux inscriptions plus rongées que celles de Sardes, de Palmyre ou de Khorsabad. Sur quelques-unes, qui ornèrent le fronton, jadis perdu dans les cieux, des portes de ces cités, l’œil peut déchiffrer