Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/325

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l’extermination de ces cruels gardes aux faces couleur de terre. Bref, c’était celui qui les abandonnait, cloués à de gros arbres, leurs propres yatagans dans le cœur.

S’engageant, ensuite, au milieu du passé détruit, dans les allées, les carrefours et les rues de ces villes des vieux âges, il gagnait, malgré les parfums, l’entrée des sépulcres non pareils où gisent les restes de ces rois hindous.

Les portes n’en était défendues que par des colosses de jaspe, sortes de monstres ou d’idoles aux vagues prunelles de perles et d’émeraudes, — aux formes créées par l’imaginaire de théogonies oubliées, — il y pénétrait aisément, bien que chaque degré descendu fît remuer les longues ailes de ces dieux.

Là, faisant main basse autour de lui, dans l’obscurité, domptant le vertige étouffant des siècles noirs dont les esprits voletaient, heurtant son front de leurs membranes, il recueillait, en silence, mille merveilles. Tels, Cortez au Mexique et Pizarre au Pérou s’arrogèrent les trésors des caciques et des rois, avec moins d’intrépidité.

Les sacoches de pierreries au fond de sa barque, il remontait, sans bruit, les fleuves en se garant des dangereuses clartés de la lune. Il nageait, crispé sur ses rames, au milieu des ajoncs, sans s’attendrir aux appels d’enfants plaintifs que larmoyaient les caïmans à ses côtés.

En peu d’heures, il atteignait ainsi une caverne éloignée, de lui seul connue, et dans les retraits de laquelle il vidait son butin.