Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/326

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Ses exploits s’ébruitèrent. — De là, des légendes, psalmodiées encore aujourd’hui dans les festins des nababs, à grand renfort de théorbes, par les fakirs. Ces vermineux trouvères, — non sans un vieux frisson de haineuse jalousie ou d’effroi respectueux, y décernent à cet aïeul le titre de Spoliateur de tombeaux.

Une fois, cependant, l’intrépide nocher se laissa séduire par les insidieux et mielleux discours du seul ami qu’il s’adjoignît jamais, dans une circonstance tout spécialement périlleuse. Celui-ci, par un singulier prodige, en réchappa, lui ! — Je parle du bien nommé, du trop fameux colonel Sombre.

Grâce à cet oblique Irlandais, le bon Aventurier donna dans une embuscade. — Aveuglé par le sang, frappé de balles, cerné par vingt cimeterres, il fut pris à l’improviste et périt au milieu d’affreux supplices.

Les hordes hymalayennes, ivres de sa mort, et dans les bonds furieux d’une danse de triomphe, coururent à la caserne. Les trésors une fois recouvrés, ils s’en revinrent dans la contrée maudite. Les chefs rejetèrent pieusement ces richesses au fond des antres funèbres où gisent les mânes précités de ces rois de la nuit du monde. Et les vieilles pierreries y brillent encore, pareilles à des regards toujours allumés sur les races.

J’ai hérité, — moi, le Gaël, — des seuls éblouissements, hélas ! du soldat sublime, et de ses espoirs. — J’habite, ici, dans l’Occident, cette vieille