Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/77

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que argent qu’ait gagné Scribe, quelque inconnu que soit longtemps demeuré Milton, quelque universellement notoire que soit, déjà, Scribe. En un mot, l’impression que laissent les vers, même inconnus, de Milton, étant passée dans le nom même de leur auteur, ce sera, ici, pour les auditeurs, comme s’ils avaient lu Milton. En effet, la Littérature proprement dite n’existant pas plus que l’Espace pur, ce que l’on se rappelle d’un grand poète, c’est l’Impression dite de sublimité qu’il nous a laissée, par et à travers son œuvre, plutôt que l’œuvre elle-même, et cette impression, sous le voile des langages humains, pénètre les traductions les plus vulgaires. Lorsque ce phénomène est formellement constaté à propos d’une œuvre, le résultat de la constatation s’appelle la Gloire ! »

Voilà ce qu’en résumé répondra notre poète ; nous pouvons l’affirmer d’avance, même au tiers état, — ayant interrogé des gens qui se sont mis dans la Poésie.

Eh bien ! nous n’hésiterons pas à répondre, nous, et pour conclure, que cette phraséologie, où perce une vanité monstrueuse, est aussi vide que le genre de gloire qu’elle préconise ! — L’impression ? — Qu’est-ce que c’est que ça ? — Sommes-nous des dupes ?… Il s’agit d’examiner, avec une simplicité sincère et par nous-mêmes, ce qu’est la Gloire ! — Nous voulons faire l’essai loyal de la Gloire. Celle dont on vient de nous parler, personne, parmi les gens honorables et vraiment sérieux, ne se soucierait de l’acquérir, ni