Page:Villiers de L'Isle-Adam - Contes cruels.djvu/87

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ments. À la moindre interruption du courant des électro-aimants, la secousse mettra tout en branle avec un ensemble tel — que jamais, de mémoire de Claque, on n’aura rien entendu de pareil ; cela croulera d’applaudissements ! Et la Machine est si puissante qu’au besoin elle pourrait faire crouler, littéralement, la salle elle-même. L’auteur serait enseveli dans son triomphe, pareil au jeune captal de Buch après l’assaut de Ravenne et que pleurèrent toutes les femmes. C’est un tonnerre, une salve, une apothéose d’acclamations, de cris, de bravi, d’opinions, de Oua-ouaou, de bruits de tout genre, même inquiétants, de spasmes, de convictions, de trépidations, d’idées et de gloire, éclatant de tous les côtés à la fois, aux passages les plus fastidieux ou les plus beaux de la pièce, sans distinction. Il n’y a plus d’aléas possibles.

Et il se passe alors, ici, le phénomène magnétique indéniable qui sanctionne ce tapage et lui donne la valeur absolue ; ce phénomène est la justification de la Machine-à-Gloire, qui, sans lui, serait presque une mystification ? — Le voici : c’est là le grand point, le trait hors ligne, l’éclair éblouissant et génial de l’invention de Bottom.

Remémorons-nous, avant tout, pour bien saisir l’idée de ce génie, que les particuliers n’aiment pas à fronder l’Opinion publique. Le propre de chacune de leurs âmes est d’être convaincue, quand même, de cet axiome, dès le berceau : « Cet homme Réussit : donc, en dépit des sots et des envieux, c’est un esprit