Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/104

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pect dégageait une impression d’inconnu, apparaissait.

La vision semblait avoir un visage de ténèbres : un lacis de perles serrait, à la hauteur de son front, les enroulements d’un tissu de deuil dont l’obscurité lui cachait toute la tête.

Une féminine armure, en feuilles d’argent brûlé, d’un blanc radieux et mat, accusait, moulée avec mille nuances parfaites, de sveltes et virginales formes.

Les pans du voile s’entrecroisaient sous le col autour du gorgerin de métal ; puis, rejetés sur les épaules, nouaient derrière elle leurs prolongements légers. Ceux-ci tombaient ensuite sur la taille de l’apparition, pareils à une chevelure, et, de là, jusqu’à terre, mêlés à l’ombre de sa présence.

Une écharpe de batiste noire lui enveloppait les flancs et, nouée devant elle comme un pagne, laissait flotter, entre sa démarche, des franges noires où semblait courir un semis de brillants.

Entre les plis de cette ceinture était passé l’éclair d’une arme nue de forme oblique : la vision appuyait sa main droite sur la poignée de cette lame ; de sa main gauche pendante, elle tenait une immortelle d’or. À tous les doigts de ses mains étincelaient plusieurs bagues, de pierreries différentes ― et qui paraissaient fixées à ses fins gantelets.

Après un instant d’immobilité, cet être mystérieux descendit l’unique marche de son seuil et s’avança, dans son inquiétante beauté, vers les deux spectateurs.

Bien que sa démarche semblât légère, ses pas