Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/109

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le bras et comparait avec sa propre main la main féminine.

― La lourdeur ! le modelé ! la carnation même !… continuait-il avec une vague stupeur. ― N’est-ce pas, en vérité, de la chair que je touche en ce moment ? La mienne en a tressailli, sur ma parole !

― Oh ! c’est mieux ! ― dit simplement Edison. La chair se fane et vieillit : ceci est un composé de substances exquises, élaborées par la chimie, de manière à confondre la suffisance de la « Nature ». ― (Et, entre nous, la Nature est une grande dame à laquelle je voudrais bien être présenté, car tout le monde en parle et personne ne l’a jamais vue !) ― Cette copie, disons-nous, de la Nature, ― pour me servir de ce mot empirique, ― enterrera l’original sans cesser de paraître vivante et jeune. Cela périra par un coup de tonnerre avant de vieillir. C’est de la chair artificielle, et je puis vous expliquer comment on la produit ; du reste, lisez Berthelot.

― Hein ? vous dites ?

― Je dis : c’est de la chair-artificielle, ― et je crois être le seul qui puisse en fabriquer d’aussi perfectionnée ! répéta l’électricien.

Lord Ewald, hors d’état d’exprimer le trouble où ces mots avaient jeté ses réflexions, examina de nouveau le bras irréel.

― Mais, demanda-t-il enfin, cette nacre fluide, ce lourd éclat charnel, cette vie intense !… Comment avez-vous réalisé le prodige de cette inquiétante illusion ?

― Oh ! ce côté de la question n’est rien ! répondit