Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/140

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nos langes, elle n’a que faire du linceul. ― Voici : l’Andréïde possède, entre autres trésors, un lourd cercueil d’ébène, capitonné de satin noir. L’intérieur de ce symbolique écrin sera le moule exact de la forme féminine qu’elle est destinée à revêtir. C’est là sa dot. Les battants supérieurs s’ouvrent à l’aide d’une petite clé d’or en forme d’étoile, et dont la serrure est placée sous le chevet de la dormeuse.

Hadaly sait y entrer seule, nue ou tout habillée, s’y étendre, s’y assujettir, en de latérales bandelettes de batiste solidement fixées à l’intérieur, de manière à ce que l’étoffe des parois ne touche même pas ses épaules. Son visage y est voilé ; la tête y demeure appuyée, en sa chevelure, sur un coussin et le front est retenu par une ferronnière, un bandeau, qui en fixe l’immobilité. Sans sa respiration toujours égale et douce, on la prendrait pour miss Alicia Clary décédée du matin.

Sur les portes refermées de cette prison est scellée une plaque d’argent où le nom de Hadaly est gravé en ces mêmes lettres iraniennes où il signifie l’IDÉAL. Il sera surmonté de vos antiques armoiries, qui consacreront cette captivité.

Le beau cercueil doit être placé dans une caisse de camphrier entièrement doublée de ouate et dont la forme carrée ne saurait provoquer aucune réflexion. Cette geôle de votre rêve sera prête dans trois semaines. ― Maintenant, à votre retour à Londres, un mot au directeur des douanes de la Tamise suffira pour obtenir franchise de votre mystérieux colis.

Lorsque miss Alicia Clary recevra votre adieu,