Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/197

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à développement et à erreur. Il s’intéresse à toutes choses et s’oublie en elles. Il regarde plus haut. Il sent que lui seul, dans l’univers, n’est pas fini. Il a l’air d’un dieu qui a oublié. Par un mouvement naturel ― et sublime ! ― il se demande où il est ; il s’efforce de se rappeler il commence. Il se tâte l’intelligence, avec ses doutes, comme après on ne sait quelle chute immémoriale. Tel est l’Homme réel. Or, le propre des êtres qui tiennent encore du monde instinctif, dans l’Humanité, c’est d’être parfaits sur un seul point, mais totalement bornés à celui-là.

Telles ces « femmes », sortes de Stymphalides modernes pour qui celui qu’elles passionnent est simplement une proie vouée à tous les asservissements. Elles obéissent, fatalement, à l’aveugle, à l’obscur assouvissement de leur essence maligne.

Ces êtres de rechute, pour l’Homme, ― ces éveilleuses de mauvais désirs, ces initiatrices de joies réprouvées, peuvent glisser, inaperçues, et, même, en laissant un souvenir agréable, entre les bras de mille passagers insoucieux dont le caprice les effleure : elles ne sont effroyables que pour qui s’y attarde, exclusivement, jusqu’à contracter en son cœur le vil besoin de leur étreinte.

Malheur à qui s’habitue au bercement de ces endormeuses de remords ! Leur nocuité s’autorise des plus captieux, des plus paradoxaux, des plus anti-intellectuels moyens séductifs pour intoxiquer, peu à peu, de leur charme mensonger, le point faible d’un cœur intègre et pur jusqu’à leur survenance maudite.

Certes, en tout homme, dorment, virtuels, tous