Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/202

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morale ne sont-ils pas, pour le moins, surannés ? Après tout, ces femmes sont belles, sont jolies ; elles usent, au su de tous, de ces moyens de faire fortune, ce qui est, de nos jours, le positif de la vie, alors, surtout, que nos « organisations sociales » ne leur en laissent guère beaucoup d’autres. ― Et après ? Pourquoi pas ? C’est la grande lutte pour l’existence, le Tue-moi ou je te tue des temps actuels. À chacun de se garer ! Votre ami ne fut, au bout du compte, qu’un naïf, et, de plus, qu’un homme indiscutablement coupable, à tous égards, d’une faiblesse, d’une démence et d’une sensualité honteuses : et, sans doute, un « protecteur » ennuyeux, pour le surplus. Ma foi, requiescat ! »

Bien. Il va sans dire que ces affirmations qui, toujours, ne semblent rationnelles que pour cause d’expressions inexactes, non seulement ne diffèrent pas beaucoup, à mon sens, comme valeur et poids, dans la question qui nous préoccupe, de, par exemple, celles-ci : « Ne pleut-il pas ?… » ou : « Quelle heure est-il ? » mais révèlent, chez ces beaux diseurs, et à leur insu, tels cas d’envoûtement de même nature que celui d’Anderson.

― Ces femmes sont belles ?… ricanent ces passants.

Allons donc ! La beauté, cela regarde l’Art et l’âme humaine ! Celles, d’entre les femmes galantes de ce siècle, qui sont revêtues, en effet, d’un certain voile de beauté réelle, ne produisent point, n’ont jamais produit de ces résultats sur des hommes tels que celui dont je parle ― et n’ont que faire de se prêter à des façons de le tenter qui, tout d’abord, leur seraient d’une parure malséante. Elles ne se